Présentation de la discipline
La carpologie, au carrefour des sciences humaines et environnementales, constitue un outil unique pour comprendre les réponses apportées par des communautés agricoles aux modifications de leurs situations économique et politique. Les fruits et graines représentent des témoins matériels aisément accessibles et directement exploitables, qui rendent compte aussi bien de l’environnement que de l’utilisation par l’homme des ressources naturelles pour leurs propriétés alimentaires ou artisanales aussi bien que pour leurs dimensions symboliques. La carpologie apporte la preuve directe de l’utilisation d’une espèce à un endroit précis pour une période donnée, reflétant les réseaux d’échange et les modes de transmission des savoirs. Si la carpologie étudie principalement l’utilisation des végétaux par l’homme, les informations obtenues sont également très précieuses pour la compréhension des paysages anciens. Chaque espèce de plante a des exigences de croissances qui lui sont propres, en lien direct avec son milieu de vie. Les caractéristiques écologiques de ces pantes permettent donc de reconstituer les environnements dans lesquels les hommes avaient l’habitude de les prélever ou de les cultiver. Certaines espèces comme les « adventices » associées aux espaces de culture, nous renseignent également sur le potentiel des sols agricoles et sur certaines pratiques agraires.
Les hommes du passé ont utilisé de nombreuses plantes pour se nourrir, se vêtir, teindre leurs vêtements, se soigner, embellir leurs espaces de vie, rendre hommage à leurs défunts. À partir du 6e millénaire avant JC, ils cultivent des céréales, des plantes textiles et des légumineuses importées du croissant fertile. Ces plantes laissent de nombreuses traces en contexte archéologique. On trouve de tels écofacts gorgés d’eau dans des puits ou d’anciens lits de cours d’eau, carbonisés dans l’habitat lors de cuissons ou d’incendies, minéralisés dans des fosses d’aisance…

Le laboratoire et la collection de comparaison du CRAVO
Le laboratoire d’archéobotanique a été fondé en 1993 à l’initiative de Véronique Matterne, qui a commencé par étudier des sites archéologiques en Picardie. Progressivement, le champ d’étude s’est étendu à l’ensemble de la moitié nord de la France, avec un focus particulier sur les périodes gauloise et romaine. Dès ses débuts, une station de tamisage a été installée dans les locaux de la rue des Cordeliers, puis transférée rue James de Rothschild (actuelle adresse), afin de traiter les échantillons prélevés sur le terrain. Le laboratoire s’est équipé de loupes binoculaires pour l’analyse et a constitué une collection de référence regroupant des semences archéologiques et contemporaines, grâce notamment à des dons de jardins botaniques nationaux. Cette collection comprend aujourd’hui 3500 espèces, représentant les trois quarts de la flore du nord de la France. Une bibliothèque spécialisée, riche en ouvrages de référence, a également été créée. Actuellement, le laboratoire rassemble Véronique Matterne (CNRS/MNHN), Marie Derreumaux (CRAVO), Françoise Toulemonde (CRAVO), et Noumia Mahieux, responsable du plateau technique (CRAVO).